On fête en 1994 le tricentenaire de la naissance de Voltaire. On se souvient qu’à Genève et Ferney cette commémoration s’est ouverte sur une fausse note, la mise en scène de la tragédie Mahomet ayant été rendue impossible sous la pression de divers intégrismes. En renouvelant une censure vieille de deux siècles et demi, certains contemporains ont offert à Yves Laplace et Hervé Loichemol une occasion inattendue de saluer à nouveau l’esprit de Voltaire.
Mais la pièce dépasse largement les circonstances qui l’ont inspirée. On y rencontre un metteur en scène dépossédé, des comédiens recyclés, un missionnaire jésuite, une suivante chinoise, un gouverneur des Jouissances et d’autres ectoplasmes. Riposte artistique, métaphore et transposition, c’est avant tout une fantaisie voltairienne, drôle et « politiquement incorrecte« , qui traite de la responsabilité artistique, des illusions grinçantes du pouvoir et, bien sûr, du mensonge théâtral. Ombres et lumières rappellent l’univers des contes, ainsi que le théâtre de marionnettes. Tout se passe comme si le fantôme du Patriarche s’était laissé doubler par d’autres fantômes, plus actuels et pourtant moins vivants : nos fantômes.
En guise de postface, une chronique détaillée revient, comme le ferait un moderne encyclopédiste, sur l’affaire Mahomet.