Ce n’est pas seulement parce qu’on y trouve les premières esquisses de ce qui deviendra, au fil des ans, Une ascension, que nous avons décidé de traduire ce journal rédigé entre dix-sept et dix-huit ans par un garçon en pleine révolte qui se fera connaître sous le nom de Ludwig Hohl. C’est aussi parce que les considérations sur le travail, le rêve, la mort et la littérature, les préoccupations morales et philosophiques, les envolées lyriques et les coups d’œil assassins sont ceux d’un écrivain déjà très sûr de son talent.
En opposant la découverte des hauts sommets et celle de Schopenhauer, Nietzsche, Hölderlin et Kleist, au spectacle navrant et répétitif de la vie quotidienne (famille, école, société), le jeune Hohl essaie de formuler son intuition : l’art est la seule forme d’activité qui permette la distance et une saisie plus aiguë du réel. En décrivant avec minutie l’orage provoqué en lui par Gertrud Züllig, il révèle un aspect de sa personnalité : le dédoublement, qui permet de jouir de soi et de ses misères.