parution mai 2016
ISBN 978-2-88927-332-4
nb de pages 192
format du livre 140x210 mm

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Christoph Simon

Vocation : promeneur

Roman traduit de l'allemand par Marion Graf

résumé

Promeneur par vocation, l’œil acéré et la langue bien pendue, amoureux pour toujours d’Émilie : Lukas Zbinden est un vieux monsieur un peu loufoque et déjà fragile, plein de lucidité, de passion et de délicatesse. Il déteste l’ascenseur et préfère descendre l’escalier au bras de Kâzim, qui accomplit son service civil dans la maison de retraite ; marche après marche, il raconte sa vie au jeune « civiliste » silencieux. Qui lit ce récit ne se promènera plus comme avant: chaque pas peut devenir une promenade.

biographie

Christoph Simon, né à Langnau en Emmental (Suisse), a grandi dans l’Oberland bernois. Après ses années de lycée à Thoune, il a fréquenté à l’École suisse de jazz à Berne. Par la suite, il a voyagé en Israël, en Jordanie, en Égypte, en Pologne, en Argentine, à Londres. Il a étudié durant deux ans la psychologie et la géographie humaine à Bâle.

En 2001 est paru son premier roman, Franz oder Warum Antilopen nebeneinander laufen, une histoire sur un gymnasien de Thoune accro à l’herbe  à Thoune. Ce roman a été traduit en polonais (2004) et en russe (2014). En 2003 est sorti Luna Llena, à propos d’une gelateria à Berne. En 2005, Simon a écrit Planet Obrist, l’histoire de Franz Obrist, le protagoniste de son premier roman. En 2008 a paru le recueil de poésie ein pony in nachbars park, ein rennpferd in meinem et le roman du lièvre Häsin Mels und Hase Fitz und der Teichgruselgolz. En 2010 est sorti le roman Spaziergänger Zbinden, pour lequel Simon a reçu le Prix littéraire de Berne. Spaziergänger Zbinden a ensuite été traduit en Grande-Bretagne (2012), aux Etats-Unis (2013) et en Iran (2013). En 2011 est sorti le pot-pourri Viel Gutes zum kleinen Preis, qui révèle également les talents de cartooniste de Simon.

Avec Urs Mannhart et Lorenz Langenegger, Simon est membre du groupe d’auteurs Die Autören. Avec Renato Kaiser et Sam Hofacher, il gère la scène de lecture bernoise Rauschdichten. Il est régulièrement actif comme cabaretier, poète slameur et donne des ateliers d’écriture. Il enseigne également à des classes d’école.

Christoph Simon est par ailleurs double « Swissmaster » en slam poétique (2014 et 2015).

Passion rando

"...le discours étonnamment vif, cocasse et bien rythmé de ce pétillant ex-instituteur est un spectacle à lui tou seul. Tout l'art maîtrisé du champion de slam poétique qu'est l'auteur! Attendrissant et jubilatoire!"

Secousse

"Christoph Simon est un jeune auteur suisse d’expression allemande. Il est publié pour la première fois en français. Vocation : promeneur est donc un premier livre pour le lecteur hexagonal. Lire un premier roman, c’est espérer une découverte, une rencontre, et si la déception est souvent au rendez-vous, cela n’en rend que plus fort le bonheur que procure la lecture d’une œuvre singulière, parfaitement originale. Et si cet auteur est le représentant d’une littérature dont on ignore à peu près tout, il prend des allures d’oiseau de mer annonçant la découverte de terres inconnues. C’est ce qui se passe pour le lecteur qui découvre ce beau roman de Christoph Simon. (...)

une atmosphère dont on a quelque peine à sortir, parce qu’on a vécu avec bonheur, le temps d’une lecture, dans la lumière de [l']automne d'une vie." Karim Haouadeg

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Reiso

"...La vie des aînés est décrite par touches subtiles et avec un humour léger et même pétillant. Beaucoup de scènes quotidiennes y sont excellemment (...)." Jean Martin

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Le Temps

"... Vocation: promeneur est d'abord une histoire d'amour, nostalgique, bien sûr, mais surtout joyeuse et complice. (...) C'est [ensuite] un tableau sensible et juste de la solitude en général (...) En laissant parler tout seul Lukas Zbinden, Christoph Simon réussit un portrait très tendre sans sentimentalité. Le monologue de l'instituteur, les dialogues tronqués avec les autres pensionnaires impriment un rythme allègre à sa descente des marches – à peine ralentie par des digressions philosophiques simples mais essentielles sur la vie bonne." Isabelle Rüf

L'Hebdo

"Lire Christoph Simon est tout autant un acte de lutte active contre le Röstigraben qu'un plaisir personnel bienvenu. (...) Une bouleversante et fine leçon non pas de sagesse mais de folie amoureuse, de celles qui font reculer la mort, à coup sûr." Isabelle Falconnier

Le Boulevard

"M. Zbinden ne fait rien comme tout le monde! Il salue systématiquement les passants au risque de passer pour un toqué, engage la conversation avec les renfrognés et emprunte encore, comble du mauvais goût, les escaliers…
Eh oui, c’est un promeneur !
À travers son parcours quotidien dans une maison pour personnes âgées, il nous emmène à la rencontre des pensionnaires et de ses propres souvenirs. Entraînant Kâzim, un jeune civiliste, avec lui, M. Zbinden nous conte sa vie comme il l’a vécue: en se promenant.
Traduit en français pour la première fois, Christoph Simon nous démontre que la promenade est plus qu’une saine habitude ou un passe-temps du dimanche, mais bien un art de vivre, une véritable ode à la contemplation!"

Vocation : promeneur: extrait

Pour le déjeuner ? Soupe au lait aux organes génitaux. C’est du moins ce que prétendait M. Hügli. D’origine animale. Il les repêchait dans son assiette pour les disposer en compositions bizarres sur la table, s’attirant les foudres de Mme Grundbacher et de Mme Wyttenbach.  – Sur la tablette de nuit ? Oui, tu as l’œil, cette photographie n’y était pas jusqu’ici. Hier aussi, elle a tout de suite frappé Lydia, l’aide-soignante, quand elle a fait irruption dans ma chambre avec son imperméable et de son parapluie, toute prête pour notre promenade, équipée contre n’importe quelle forme d’intempéries. Sans y être invitée, elle s’est emparée de la photographie pour l’examiner de plus près.

« Un couple si heureux ! » s’est-elle écriée, les pommettes luisantes. Ses yeux brillaient de joie à cette découverte. « Où a-t-elle été prise ? C’est votre femme ? On dirait deux stars de cinéma ! »

« Elle m’a appris à nager dans cet étang. » Je lui ai repris l’instantané. « C’est notre fils qui a pris la photo. Il avait dix ans à l’époque, peut-être onze. »

« Je n’ai pas voulu être indiscrète », a dit Lydia en guise d’excuse. « Mais je n’avais jamais remarqué cette photo chez vous, et dès je l’ai vue, posée là, eh bien, votre femme et vous avez l’air tellement… « 

Sans finir sa phrase, elle a rapproché le tabouret, elle est venue s’asseoir près de moi à la fenêtre et elle a pris mes mains. Et sais-tu ce que j’ai senti? J’ai senti ta chaleur à toi, les mains de Lydia me rappelaient les tiennes, et je lui ai parlé de nous deux, de nos équipées téméraires et de nos périlleux exercices de natation. De notre promenade sous les arbres au bord de cet étang, nous avions marché assez loin pour échapper aux regards. L’étang était caché sous le couvert des arbres, le soleil était bas. Nous avions ôté nos habits, ne gardant que nos sous-vêtements, et nous étions entrés dans l’eau. Avec quelques épingles, tu avais relevé tes cheveux en chignon, notre fils chassait des grenouilles sur la rive pour récolter du poison pour ses flèches. Tu as traversé l’étang à la nage et tu m’as montré les mouvements à faire. De tes deux bras, tu m’as soutenu dans l’eau, et je me suis exercé à la noyade. Au bout d’un moment, j’avais compris le truc, et je parvenais à rester un demi-mètre à la surface avant de couler.

« L’essentiel, c’est de ne pas avoir peur », disais-tu.

Nous étions sortis de l’eau main dans la main, le soir tombait. C’est à cet instant que Markus a pris la photo.

Lydia, l’aide-soignante, a souri en m’écoutant raconter que nous nous étions écrit chaque jour pendant quatre ans – « Comment vas-tu ? Je vais bien », et tu écrivais en retour : « Cher fiancé, je vais bien, et grâce à toutes tes lettres, je sais que tu vas bien. Si tu m’écrivais une vraie lettre, pour changer ? »

Lydia a hoché la tête avec sympathie lorsque je lui ai parlé de ton admirateur du cours d’ornithologie et de la tempête qui avait alors éclaté en moi. Je lui ai raconté ma longue, mon interminable journée de mutisme, ce jour où tu m’avais frappé sur la bouche au parc Bonstetten. J’ai raconté comment, dans la force de l’âge d’homme, je m’étais transformé contre toute attente en un auxiliaire de ménage acceptable – et Lydia a paru aussi surprise que toi à l’époque. Une fois seulement, j’ai enfilé le sac de l’aspirateur à l’envers et toute la poussière s’est dispersée. Quant à la poignée cassée de la machine à laver, on avait pu la réparer avec une colle contact. J’ai remis la photo à sa place, Lydia m’a proposé d’aller prendre un café à la cafétéria et elle a jeté son parapluie dans un coin.

J’aime tant penser à toi, les souvenirs sont si nombreux. Je ne peux pas me souvenir d’une seule époque où tu n’aurais pas été une partie de moi. Et aujourd’hui – je ne te cherche pas au-dessus des nuages, je te cherche tout près de moi.

Bien sûr que je suis peu à l’aise dans ma chemise, penses-tu, du doigt sans cesse il me faut assouplir le col trop serré. Quelle sottise de s’habiller de la sorte par cette chaleur. Mais le nouveau civiliste m’attend derrière la porte et j’aimerais lui faire bonne impression : Lukas Zbinden, plein de savoir et de sincérité, qui ouvre son cœur à tous les esseulés et à tous les malheureux ; sans peur et sans reproche, il affronte ceux qui pratiquent l’injustice. J’espère que le civiliste pourra m’accompagner en ville pour un bout de chemin, ce serait mon plus grand désir. Et pour être franc, je serais même un peu vexé de le sentir impatient de me laisser à nouveau seul avec moi-même. C’est tellement merveilleux quand d’autres prennent plaisir à nous faire plaisir. Croise les doigts, Émilie.