Henrietta Rose-Innes

Henrietta Rose-Innes est l’une de jeunes voix les plus intéressantes de la très riche et vivace littérature sud-africaine. Elle a été l’élève de J.M. Coetzee qui la soutient beaucoup et a figuré deux fois parmi les finalistes du Caine Prize qu’elle a remporté en 2008. Ses nouvelles ont paru dans Granta et The Best American Nonrequired Reading. Ninive, son premier roman, a remporté le prix François Sommer 2015, qui récompense une œuvre littéraire explorant les relations de l'homme et de la nature.

 

 

L'Homme au lion (2016, écrits d'ailleurs)

L'Homme au lion

Un jour il n’y aura plus d’animaux sauvages, et les derniers trôneront, empaillés, chez les chasseurs. Mais la ville du Cap côtoie toujours les étendues dangereuses du bush, cette terre hostile où un drame a séparé Mark et Stan à leur adolescence. Des années plus tard, ils sont réunis à nouveau quand Mark est grièvement blessé par l’un des lions dont il avait la charge au zoo. Le fauve est alors tué et la lionne survivante, la dernière de son espèce, a besoin d’un gardien. Hanté par le souvenir de son meilleur ami, Stan le remplace auprès de la puissante Sekhmet, dont le magnétisme l’attire, sans savoir qu’un culte d’amoureux de la nature est prêt à tout pour rendre sa liberté à l’animal. Stan devra affronter ses souvenirs pour retrouver l’équilibre, une alchimie entre les normes de la société et l’appel de la vie sauvage.

Roman traduit de l'anglais par Elisabeth Gilles

Ninive (2014, écrits d'ailleurs)

Ninive

Araignées, chenilles, rats, geckos, serpents, moustiques, tiques, babouins, pigeons…: Katya en fait son affaire. A sa manière à elle, humaine et alternative : dans son entreprise de dératisation-désinsectisation, elle n’éradique pas, elle délocalise. Ce n’est pas le job le plus banal pour une jeune femme d’une trentaine d’années mais rien dans Ninive, le dernier roman d’Henrietta Rose-Innes, ne l’est. Tout est insolite, intrigant, captivant. Tragique, drôle et poignant.

 

A commencer par Katya. Elle vit en Afrique du Sud, au Cap, seule dans une vieille maison qui se fissure. Son dernier boulot était facile : il a fallu débarrasser un arbre d’une colonie de chenilles qui l’emmaillotait littéralement de la tête au pied. Le suivant est d’une tout autre ampleur, il pourrait donner un coup de pouce à sa carrière et elle en a bien besoin. Elle doit se rendre à Ninive, un complexe résidentiel de luxe neuf mais inhabité. Et pour cause : il est infesté. Une infestation généralisée. Elle part pleine d’espoir. Une vie nouvelle va commencer.

Mais ce qu’elle découvre à Ninive est loin, très loin du confort et de la stabilité dont elle avait rêvé. Le lieu, comme le roman, a des profondeurs et des dimensions insoupçonnées et ce qu’elle y rencontre est son propre passé en la personne de son père, un être violent à son corps défendant, sauvage, indompté, qui n’a jamais plié devant le monde. Centrale, faite d’un étrange mélange de rudesse, de répugnance, d’admiration et de douceur, la relation entre eux deux n’est pourtant qu’un des fils qui se tissent sur la trame de Ninive. Peu à peu apparaît le tableau d’un monde qui s’effondre. Pour le calme et la volupté, il faudra repasser. Les promesses de Ninive non tenues, les illusions perdues et les mensonges dévoilés, comment faire pour trouver des repères, une place, dans un monde en mouvement permanent, voué à la destruction au désastre et au chaos généralisé ? Pour Henrietta Rose-Innes, il y a toujours l’humour.

 

L’auteure, qui vit au Cap, est aussi douée d’un extraordinaire sens de l’observation qu’elle applique aux humains, aux choses, aux plantes. Et à ces fameux insectes qu’on ne regardera plus jamais du même œil. On n’oubliera pas, au delà des murailles de la riche Ninive, la luxuriance de la nature, le paysage mouvant et fascinant des marécages, de ce vlei d’une exigeante beauté. Ni tous ceux qui, un peu plus loin, entre l’océan et les marais, tentent de survivre dans des baraques de bois et de tôles qui s’étendent pour finir par presque rejoindre d’autres baraques de bois et de tôles, qui s’étendent elles aussi, finissant par former presque une autre ville à côté de la ville en dur. Cette réalité sociale, très adroitement tissée dans la toile du roman, est bien plus que juste un arrière plan. Une fois refermé, on reste longtemps habité par ce relativement court roman, dense et intriqué. 

Et pour ceux qui se demanderaient quel est le rapport entre les marécages sud-Africain et Ninive, capitale de l’empire assyrien, en Mésopotamie, quelques siècles avant J.-C. sur les rives du Tigre (au  nord de l’actuel Irak) : il n’y en a pas répond un des personnages. C’est juste qu’un des premiers investisseurs du complexe était originaire du Moyen-Orient. On peut aussi rappeler que l’histoire biblique de Ninive raconte l’effondrement d’une cité qui s’est vouée à la recherche du bien-être matériel, à l’injustice et à la violence.

Elisabeth Gilles

 

 

 

 

 

 

traduit de l'anglais par Elisabeth Gilles