parution novembre 2021
ISBN 978-2-88927-954-8
nb de pages 192
format du livre 140x210 mm

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Abraham Cahan

Le Petit Fiancé

Traduit par Isabelle Rozenbaumas

résumé

New York, début du vingtième siècle. Les Juifs de Russie et d’Europe centrale immigrent par milliers. Certains fuient les pogromes, tous espèrent un avenir meilleur. Ils ont pour point de chute le quartier du Lower East Side, le célèbre ghetto. C’est là qu’est née Flora, jeune fille juive dont le rêve est d’épouser le médecin qui fera d’elle une vraie New-yorkaise. Mais son père adoré mijote tout autre chose. L’Amérique et les dollars ne l’ont-ils pas détourné du Dieu de ses ancêtres ? Seul un gendre talmudiste pourrait lui assurer le salut, et ce gendre sera importé de Russie. Comment dès lors convaincre Flora qui découvre avec consternation le jeune immigré timide et maladroit ? Dans ce court roman, Le Petit Fiancé, comme dans la nouvelle Circonstances, Abraham Cahan met en scène, avec drôlerie et férocité, les drames ordinaires de toute immigration, les rêves brisés ou trop chèrement exhaussés, les trahisons, les renoncements, les regrets… 

biographie

Abraham Cahan est né en Lituanie en 1860. A l’âge de 22 ans, il s’exile à New York où il vivra jusqu’à sa mort, en 1951. Il y dirige le fameux Jewish Daily Forward, quotidien en yiddish. Son œuvre, écrite en anglais, prend pour cadre le ghetto juif, dont il fut un des principaux observateurs pendant un demi-siècle. La plupart de ses personnages, juifs d’Europe centrale, débarquent à New York où ils doivent réapprendre à vivre, déchirés entre leur culture d’origine et celle de la métropole américaine. 

Le Figaro

"Les deux textes qu’on découvre aujourd’hui avec bonheur - car on s’aperçoit qu’il s’agit d’un grand écrivain, du côté de Tchekhov ou de Tourgueniev - traduisent les préoccupations qui furent les siennes à son arrivée, et qui, pour nombre de ses compatriotes de sa génération, le restèrent leur vie durant : comment devenir américain ? Comment marier la culture hébraïque dans laquelle on a été élevé avec la culture américaine, comment devenir un Américain sans pour autant trahir ses racines ? (…)

Cahan montre des juifs américains pareils à ceux de films anciens de Borzage ou de Capra, des habitants du ghetto de Brooklyn ou du bas de Manhattan, pris en étau entre leur passé et leur nouvelle vie, et ayant du mal à effectuer cette mue indispensable. Cahan a le don de montrer le quotidien de gens modestes, pareils à tous les autres, sans effet de manches, avec énormément d’empathie, et pas mal d’humour. Cette première voix de la littérature juive américaine était, déjà, une grande voix." Christophe Mercier

La Cause Littéraire

"Un court roman et une courte novella nous plongent dans une tradition aussi ancienne que la culture juive d’Europe centrale : le conte, le récit imaginaire dans les faits mais qui plonge ses racines au plus profond de la réalité juive dans l’aventure de l’exil auquel l’antisémitisme l’a contrainte. Deux joyaux, disons-le d’entrée, d’une vie, d’un esprit, d’une ironie de chaque page, de chaque ligne, qui ne peuvent que réjouir pleinement le lecteur le plus exigeant."

Une chronique de Léon-Marc Levy à lire en entier ici

VSD

"En cinq histoires où se frottent compromis et traditions, la vie dans le ghetto juif de New York à la fin du XIXe siècle. Fascinant."

L'Hebdoscope

"Ces récits du ghetto de New York magnifiquement traduits par Isabelle Rozenbaumas, permettent aujourd’hui de plonger avec délice dans ces aventures où le tragique côtoie le burlesque. Le récit de ces immigrants est ainsi traversé par les déchirures de l’exil. Les personnages tragicomiques de Cahan peinent à masquer la nostalgie de leur terre natale. Ils sont touchants car leur douleur est universelle. Un peu comme dans un film de Woody Allen où la comédie à la fois burlesque, ici en l’occurrence la fierté déçue du futur beau-père du fiancé, et cynique – comme peut l’être l’humour juif – rivalise avec la pudeur de leurs sentiments. On rit et on pleure en même temps."

Une chronique de Laurent Pfaadt à lire en entier ici

Transfuge

"Un roman et une nouvelle, signés Abraham Cahan, nous plongent dans un monde disparu, celui des juifs immigrés de la fin du XIXe siècle. Ambiance Isaac B. Singer.

(...)

On connaissait Abraham Cahan comme fondateur et directeur du plus grand journal yiddish socialiste de New York, le Jewish Daily Forward. On connaissait moins ses talents d’écrivain, à travers ce roman d’apprentissage tardif, une plume sautillante, alerte, entre grotesque et tragique, entre déracinement et quête identitaire." Vincent jaury

Le Matricule des anges

"Ayant quitté la Lithuanie pour New York à l’âge de 22 ans, Abraham Cahan ( 1860- 1951 ) a sans doute mis beaucoup de lui-même dans le portrait de ce jeune juif avide de savoir et fasciné par les livres. Militant socialiste de la première heure, écrivain et, surtout, journaliste, il restera toute sa vie un observateur privilégié de la communauté juive new-yorkaise, dont il souligne les difficultés d’intégration, parfois, quand ses valeurs religieuses et culturelles se heurtent de plein fouet aux réalités d’une Amérique dure aux pauvres où l’éducation n’est plus un sésame.

Les deux nouvelles qui composent ce recueil font, chacune à sa manière mais toujours avec tendresse, le constat doux-amer de la fin d’un monde où « toutes ces voix et ces chuchotements se conjuguaient en un unique bouillonnement de sublime et de ridicule, avec à la clef la tragédie de vingt siècles jetés pêle-mêle dans un chaos de son et de mouvement ». Paru en 1898, le recueil original comportait trois autres nouvelles, qu’il nous faudra donc lire en anglais, frustrés que nous sommes, avant de revenir aux romans graphiques de Will Eisner ou bien au Job de Joseph Roth, dans un registre assez semblable." Yann Fastier

La Fleur qui pousse à l'intérieur

"Inédites en français, ces deux histoires d'amour bouleversantes sont contées avec finesse et beaucoup d'humour, et nous plongent au coeur du ghetto juif new-yorkais du début des années 1900. Les personnages tiraillés entre deux cultures, dont le sort est commun à des milliers de migrants, se débattent avec leurs espoirs, leurs désillusions, leurs croyances et leurs peurs...Des textes forts et intemporels !"

Arbre à lettres Bastille

"Petite comédie du ghetto juif du Lower East Side." Laura Picro

Écouter un extrait du roman lu par Ismaël Attia


Le Petit Fiancé: extrait

Plus Azriel, avec son prodige à la remorque, se rapprochait de son retour à New York, plus Pravly se dissolvait totalement, nimbé d’une brume idyllique, tandis que les traits de la grande cité américaine gagnaient en substance dans son esprit. Chaque mille ajoutait des touches au tableau, et chaque nouveau détail le rendait plus cher à son coeur.

Il rentrait à la maison. Il le ressentait plus âprement, plus passionnément, chaque jour, chaque heure, chaque minute. Sandy Hook était à portée de vue.

Existait-il quoi que ce soit de plus beau, de plus sublime et de plus exaltant que la vue, par une claire matinée d’été, du port de New York depuis un paquebot à l’approche ? Shaya vit dans les effets enchanteurs de la mer, de la verdure et du ciel une nouvelle version de ses visions du paradis, où, confortablement installés derrière un feuillage luxuriant, les justes – vénérables vieillards à la barbe argentée – hochaient du chef et se balançaient au-dessus des volumes aux reliures dorées du Talmud. Cependant, impressionné par l’ombre portée d’une telle magnificence, le coeur de Shaya s’alourdit d’une intolérable attente, et il se cramponna à Azriel.

À bord, tout n’était que remue-ménage et espérances. Les petites machines du pont ne cessaient de mugir et les passagers, sur leur trente et un comme s’ils se rendaient à l’église, s’inquiétaient de leurs bagages et déambulaient d’un air festif, mais nerveux.

Azriel se contracta et se mordit la lèvre avec ravissement.

« Oh, que l’eau est bleue ! » dit Shaya avec mélancolie.

« L’Amérique est un beau pays, n’est-ce pas ? le rejoignit le vieil homme. Mais il n’arrive pas à la cheville de Flora. Attends un peu de la voir. Efforce-toi juste d’être un bon garçon, continua t-il en murmurant, attache-toi à ton Talmud, et ne consacre pas un seul grain de peper  à quoi que ce soit d’autre, moyennant quoi tout ce que Dieu m’a accordé sera tien. Je n’ai pas de fils qui puisse dire le Kaddish pour mon âme lorsque je serai mort. Diras-tu le Kaddish pour moi, Shaya ? Observeras-tu l’anniversaire de mon décès ? s’enquit-il sur un ton implorant que le jeune homme ne lui avait jamais entendu.

— Bien sûr que je le ferai, lui répondit Shaya, tel un enfant obéissant.

— Tu le feras vraiment ? Que tu aies une longue vie pour cela. Je te logerai dans des palais et te chérirai comme la prunelle de mes yeux. Je ne suis qu’un rustre, mais elle est ma fille, mon unique enfant, et représente toute mon existence en ce monde. »

pp. 66-68