parution mars 2019
ISBN 978-2-88927-650-9
nb de pages 384
format du livre 105x165 mm

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Noëlle Revaz

L'Infini Livre

résumé

Jenna et Joanna, deux écrivaines à succès, mènent leurs vies entre familles et plateaux de télévision. Dans un univers fait d’écrans et d’algorithmes, la musique est un objet, les enfants peuvent être des autocollants. Et plus personne ne songe à regarder à l’intérieur des livres. Mais le temps n’est pas loin de les ouvrir à nouveau et de redonner du relief au monde.

Satire anticipatrice, L'infini livre est porté par une profonde ironie à l’égard de notre société de fakes news et d’amitiés virtuelles.

biographie

En 2002, Gallimard publie Rapport aux bêtes de Noëlle Revaz. L’écriture de styliste de cette jeune auteur délicate fait couler beaucoup d’encre. Elle imite le parler des paysans comme peu y sont parvenus après Ramuz, elle est d’une finesse extrême. Il lui faut 7 ans pour sortir son deuxième livre, toujours chez Gallimard Efina, roman d’amour ironique et ciselé dont la presse française s’empare. Née en Valais en 1968, Noëlle Revaz vit à Bienne.

Le français dans le monde

"Un roman d’anticipation qui imagine un monde (lointain ?) dans lequel le livre serait devenu une chose très ancienne, un « objet de décoration ». Un roman complexe et étrange sorti de l’imagination (on peut le souhaiter) de la romancière suisse qui avait su trouver une langue à la démesure de son héros dans son premier roman, Rapport aux bêtes."

GHI

"Dans un univers fait d’écrans et d’algorithmes, la musique est un objet, les enfants peuvent même être des autocollants. Et c’est légèrement flippant. Car plus personne ne pense à s’intéresser aux livres. A s’y plonger avec plaisir et passion. Mais Jenna et Joanna, deux écrivaines à succès qui mènent leurs vies entre familles et plateaux de télévision, entendent bien y remédier." Fabio Bonavita

L'Alsace

"Noëlle Revaz imagine dans L’Infini livre, (…) que les livres ne seront tout simplement plus ouverts, devenus de banals objets dont la valeur et l’intérêt s’arrêtent à leur couverture. (…) Un univers « parfait », qui contient bien évidemment des failles. L’occasion pour l’auteur de lister les huit commandements du livre, et notamment que « les livres sont libres » ou qu’« un livre est profondément agissant. » Un rappel salutaire." Jacques Lindecker

Librairie solidaire

"Satire du monde du livre ou fable hyperréaliste, ce roman est avant tout une réflexion sur les façons que nous avons de vivre aujourd'hui. Dans cet univers confiné aux accents futuristes on progresse entre inquiétude et rire, pour s'apercevoir enfin que c'est de notre quotidien qu'il s'agit."

Efina (2024)

Efina

Efina amatrice de théâtre, T un grand comédien, chacun prétend avec insistance n’avoir aucun sentiment pour l’autre. S’ils ont eu à l’occasion un rapport amoureux, ce n’était rien, bien sûr. Ils s’écrivent des lettres qu’ils envoient rarement, mais qui se répondent avec la même mauvaise foi sur leur aversion réciproque, et révèlent malgré elles «ce lien particulier qui clignote depuis des ans».

Avant-propos d'Eleonore Sulser

Viceversa littérature 15 – Histoires de famille

Qu’elle soit biologique ou par affinités, nucléaire ou élargie, la famille suscite d’immenses attentes. Mais la famille idéale, celle dont on voudrait faire partie, existe-t-elle ? Transmission d’un nom, d’une langue, de valeurs morales, héritage d’objets ou de maisons, déceptions, mensonges, secrets et luttes de pouvoir, la famille est en tout cas une mine pour faire des histoires. En inventer, en raconter. Le patrimoine familial se compose aussi de mots. Les écrivains en ont une conscience aigüe, ce qui leur permet d’interroger leur vécu, de débusquer du nouveau, tout en nous y associant intimement, nous laissant entendre l’écho de notre propre expérience.

Fabio Andina • Michelle Bailat-Jones • Yvonne Böhler • Zora del Buono Gianna Olinda Cadonau • Ludmila Crippa • Elisa Shua Dusapin Yael Inokai • Barbara Klicka • Naim Kryeziu • Line Marquis • Thierry Raboud • Noëlle Revaz • Maria Rosaria Valentini • Ivna Žic

L'infini livre (2014, domaine français)

L'infini livre

PRIX SUISSE DE LITTERATURE 2015

Jenna et Joanna, deux écrivaines à succès, mènent une vie tranquille entre leurs familles et les plateaux de télévision. Dans le monde simplifié qui est le leur, les livres sont devenus de banals objets, dont la valeur et l'intérêt s'arrêtent à la couverture. Présentateur, acheteur ou écrivain, plus personne ne songe à les ouvrir. Le geste est tombé dans l'oubli. Mais cette simplification va plus loin et s'étend à tous les domaines de la vie. La musique est un objet. Les enfants peuvent être des autocollants. Les amis ne sont plus qu'un mot. Il n'y a plus de for intérieur.

 

Satire du monde du livre ou fable hyperréaliste, ce roman est avant tout une réflexion sur les façons que nous avons de vivre aujourd'hui. Dans cet univers confiné aux accents futuristes on progresse entre inquiétude et rire, pour s’apercevoir enfin que c’est de notre quotidien qu’il s’agit.

 

Roman à l'implacable logique, L'infini livre est porté par une profonde ironie.

 

Laudatio le 20 février 2015 par Eléonore Sulser pour le Prix Suisse de littérature:

 

Noëlle Revaz a écrit L’Infini livre à l’imparfait. Un temps de malaise, un temps incomplet qui s’étire, monotone, atone, blanc. Un temps qui ressemble à ce que les livres sont devenus dans l’univers qu’elle décrit: des boîtes, purement décoratives, qui restent closes. Même si elles font l’objet d’une adoration béate.

Dans cet univers-là tout est à plat. Il n’y a plus de littérature. Seule compte l’apparence, la fine couche médiatique qui enveloppe chacune et chacun. Il n’y a presque plus de mots. Sur les écrans sans profondeur, batifolent quelques élus qui s’expriment à coup de bons mots et de slogans. C’est un monde en deux dimensions peuplé de simulacres. Une romancière a ainsi pour amis, des inconnus croisés sur les réseaux sociaux;  pour enfants, des stickers géants collés à ses fenêtres.

Dans L’Infini livre, Noëlle Revaz déconstruit tout ce qu’elle sait, tout ce que nous aimons du livre. Métaphore du monde actuel, qui dit l’arrogance des écrans, des algorithmes, de la conversation, au détriment de la pensée, de l’art, de l’humain aussi. Pourtant, une fois cette destruction opérée ­– démontrée ­­– Noëlle Revaz va, mot à mot, phrase à phrase, reconstruire la possibilité d’un livre.

Il y aura des échappées, des mutations soudaines. Une chrysalide, des papillons. Des ailes s’agiteront comme les pages d’un livre ouvert, le monde reprendra des couleurs, du relief. Le livre pourra, de nouveau, nous emporter ailleurs.

Il y a quelque chose d’un manifeste poétique dans L’Infini Livre. C’est aussi un objet littéraire singulier, qui interroge l’étrangeté matérielle du livre, tout autant que le miracle fragile qu’il représente.

Eléonore Sulser

 

 

Quand Mamie (2011, Minizoé)

Quand Mamie

« Quand Mamie sera morte. Quand Mamie sera morte. Quand Mamie sera morte c’est fou le temps qu’on aura. On pourra enfin faire du sport. »

Dans Quand Mamie, on attend que Mamie s’en aille pour vivre. Au long de cette veille qui s'éternise, le corps de Mamie devient le symbole de tous les obstacles qu’on s’invente. La vie n'est vécue qu'en rêves. Ce texte drôle et glaçant sur la peur de vivre a des allures de chant incantatoire, il fait entendre une, deux, cent voix et leurs refrains, aux ruptures qui peuvent être brutales.

Noëlle Revaz est née en 1968 à Vernayaz. Elle vit à Bienne. Elle est l'auteur de deux romans, Rapport aux bêtes, Gallimard, 2002 et Efina, Gallimard, 2009.

Postface de Muriel Zeender

L'Infini Livre: extrait

5.

Un jeune animateur, particulièrement dépourvu d'expérience, formulait une question : en page 3 du livre, qu'y avait-il exactement?

Jenna embarrassée baissait les yeux sur ses mains. Il était déjà très gênant de s'entendre mentionner le numéro d'une page. Mais parler de l'intérieur de son livre en sa présence était carrément indécent.

L'animateur était pressant. Heureusement un vieil écrivain au regard brillant, dont la rumeur soupçonnait les livres d'être des cartons, volait au secours de Jenna. Tout sourire, il expliquait que mentionner une page d'un livre ne servait à rien. Il fallait considérer son ensemble. Et, pour sa part, le vieil écrivain trouvait que le livre de la romancière Jenna Fortuni était tout ce qu'il y avait de plus réussi. Le livre de Jenna, à ce moment idéal, était projeté en arrière-plan. Sa couverture était toujours du plus bel effet, bien que certains acheteurs aient déjà commencé à s'y habituer, comme le faisaient savoir les nombreux messages. Les autres écrivains présents, mal à l'aise, se raclaient la gorge en tapotant ou réalignant les livres qui se trouvaient fidèlement en place à leur côté. Les écrivains se montraient toujours accompagnés de leur dernier livre, en général posé sur la table basse. Les tables étaient toujours basses, afin que les jambes puissent être décroisées et croisées et que les moitiés inférieures puissent être aperçues de temps à autre de façon rapide.

Un des écrivains, sans explications, était venu sans son livre. Il avait dû subir une mésaventure. Il avait l'air mal à son aise et nerveux, et Jenna avait l'impression que son corps était plus étroit que de coutume. Sans livre, un écrivain n'était pas beaucoup. Hors la présence de son livre, un écrivain se défaisait et perdait la majeure partie de sa substance. Mais sans écrivain aussi un livre n'était plus grand-chose. Il devenait un bloc de pages glissant en direction de la broyeuse. Jenna ne l'ignorait pas : qu'un écrivain en vienne à mourir, et c'étaient des dizaines de livres qui se retrouvaient sur-le-champ orphelinement inutilisables ou, au mieux, calés sous des pieds de tables ou, encore un petit peu mieux, coincés jusqu'à ce qu'ils blanchissent dans des décors d'émissions.

Il ne fallait pas pour autant penser que le livre était important. Cette erreur était ridicule. Elle pouvait être commise par quelques animateurs tenants de la vieille école ou par un critique malpoli mais, grosso modo, la plupart des gens du circuit savaient de quoi il était question : le livre était une estrade. Le livre était un simple escabeau sur lequel se poser le temps de répondre à des questions étiquetées « pour les écrivains ». À partir de là commençaient les choses. Le livre était le passeport grâce auquel on pouvait soutenir des entretiens et fréquenter les émissions en répondant à des questions de tout genre, comme : le temps, la durée, la circonstance, le moment, le lieu de la création; la situation, la position, la condition, la modalité, la conjoncture de la création; la particularité, la disposition, les instruments, les surprises de la création; les modèles, les événements, les anecdotes de la création. Ainsi qu'à toutes sortes d'autres questions permettant de garder l'antenne. La question suprême restant quand même bien sûr la question du message. Mais à tout écrivain cette question n'était pas donnée.

 

L'émission suivait son chemin, et l'animateur débutant mettait sur le gril l'écrivain venu sans son livre. L'un et l'autre étaient en train de perdre pied. Le livre n'était pas présent et quelle difficulté d'avancer sans son appui dans le vide! L'animateur faisait des efforts pour essayer d'être convaincu que l'être assis devant lui était bel et bien un écrivain. Néanmoins, on voyait son regard devenir sceptique et se raccrocher le plus possible aux livres qui étaient présents.

L'écrivain quant à lui semblait malheureux. Il expliquait que son livre était resté à la maison mais que cela n'importait pas, parce que tout était dans sa tête. Ce qui était évidemment faux. Le doute se répandait comme la peste. Un des écrivains invités, se dévouant pour les autres, se décidait à formuler l'interrogation : un écrivain sans livre était-il approprié sur un plateau? Comment être sûr de ce qu'on voyait? L'animateur débutant se confondait en excuses.

Le plateau retenait son souffle. Vraiment, qu'il était dangereux de se présenter sans son livre. Un oubli de ce genre, et c'était toute une carrière qui était fichue. Jenna en avait des frissons. Elle se rappelait les principes de base : avoir son livre dans les doigts ou à proximité de la main. Manier fréquemment son livre, de sorte que les caméras embrassent la main et le livre en même temps. Sourire régulièrement. Faire allusion à l'existence de son œuvre. Nom d'un nom, c'était astreignant. À des instants brefs comme l'éclair, Jenna avait aussi envie de se montrer sans aucun livre. Simplement pour sentir ce que ça faisait. Mais lorsqu'elle voyait de quelle façon l'animateur et même les autres invités s'acharnaient sur le pauvre écrivain, elle comprenait combien il pouvait être périlleux de se présenter toute seule. Le livre signalait l'écrivain. Loin de lui il n'y avait rien de sûr, et c'était bien pour cela que cet objet régulièrement était projeté sur les plateaux, sur tous les supports possibles.

Il y avait naturellement des récalcitrants : des écrivains bien sûr avaient essayé, fallait-il qu'ils soient innocents, d'obtenir des animateurs qu'ils discutent de leur livre sans que les auteurs eux-mêmes soient présents. En gros, le discours que ces écrivains avaient tenu était : nous ne venons pas chez vous, mais vous avez tout de même le droit de parler de nos livres.

Quelle candeur tout de même chez ces écrivains! Croire que l'on allait se donner la peine de montrer et présenter leurs livres sans qu'ils soient visibles! Et que demanderaient-ils encore après cela? Que l'on parle de leur personne en leur absence? Que l'on ouvre des tribunes de discussion sur eux sans qu'ils y travaillent? Que l'on conserve leurs livres? Qu'on les dissèque?

Ce genre d'écrivains était proscrit. Ils n'existaient pas pour les plateaux. De toute manière, leur volume de vente était voisin de zéro.