parution février 2020
ISBN 978-2-88927-727-8
nb de pages 112
format du livre 140 x 210 mm

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David Chariandy

Il est temps que je te dise. Lettre à ma fille sur le racisme

Traduit de l'anglais (Canada) par Christine Raguet

résumé

David Chariandy a beau être né au Canada, une femme dans un restaurant éthique lui fait comprendre qu’il n’est pas ici chez lui. Même s’il a grandi dans ce pays pourtant réputé plus tolérant que les États-Unis, il y a été souvent traité de nègre.

Dans cette lettre ouverte qu’il adresse à sa fille de treize ans, il est question d’appartenance ; de ses ancêtres à lui, d’origines afro-asiatiques ; de son identité à elle, dont la mère est issue de la grande bourgeoisie canadienne blanche. Pas de hargne pour parler de la blessure du racisme, mais une lucidité, une pudeur et une tendresse qui font de ce texte important une invitation à se déterminer librement : un véritable manifeste dans la continuité de James Baldwin.

biographie

Né en 1969, David Chariandy a grandi près de Toronto. Il vit aujourd’hui à Vancouver, où il enseigne la littérature à la Simon Fraser University. Son premier roman, Soucougnant, (Zoé, 2012), l’a consacré parmi les principaux auteurs canadiens contemporains. Chariandy puise son inspiration au sein de la diaspora caribéenne au Canada et traite de son intégration à la culture locale.

 

Regards - Journal régional indépendant

"L'auteur, conscient d'être aujourd'hui privilégié, écrit avec beaucoup d'humilité sur ce sujet malheureusement toujours d'actualité. Bien qu'abordant un thème douloureux et politique, ce petit livre de 110 pages est un ouvrage rempli de tendresse, un hymne à l'amour." Rute de Sousa Soares

Revue Choisir

"Avec beaucoup de tact, de pudeur et de tendresse, mais aussi de lucidité, il écrit à sa fille de 13 ans, mêlant ses propres expériences à celles de ses deux enfants." Marie-Thérèse Bouchardy

Revue Choisir

"Beau livre ! Belle écriture à la fois simple et émouvante."

Une chronique de Marie-Luce Dayer à lire en entier ici

Service littéraire

"Dans sa lettre, Chariandy insite à prendre plus que jamais en compte les bons moments de paix et de joie, à être en éveil permanent dans les relations quotidiennes avec les autres, à pas mesurés, et peut-être aussi être toujours sur ses gardes ; une vie de funambule en quelque sorte sachant qu’on appartient à un double univers naturel. Sur un ton d’une grande franchise, sans acrimonie, comme chuchotée à l’oreille de sa fille, cette lettre possède cet avantage." Alfred Eibel

Jeune Afrique

"Le sens de la nuance de (l'auteur) n'enlève ainsi rien à sa force. (…) Transformer le laid en beau, l'imbécillité en leçon, voire en rire, voilà le pari réussi de David Chariandy."

Un article de Mabrouck Rachedi à lire en entier ici

France Inter

"Dans cette lettre ouverte qu’il adresse à sa fille de 13 ans, il est question d’appartenance ; de ses ancêtres à lui, d’origines afro-asiatiques ; de son identité à elle, dont la mère est issue de la grande bourgeoisie canadienne blanche. Un véritable manifeste dans la continuité de James Baldwin."

David Chariandy était l’invité de Katheeln Evin dans l’émission L’Humeur Vagabonde. A réécouter ici

L'Humanité

"Le romancier et professeur de littérature à l'université de Vancouver réagit aux manifestations contre les violences policières et s'exprime sur les moyens de combattre le racisme systémique."

Un entretien de David Chariandy par Sophie Joubert à lire en entier ici  

RTS - La 1ère

"Sans hargne, pudique et lucide, c’est un texte important, une invitation à se déterminer librement."

Chariandy s’exprime sur les récents événements depuis Vancouver, où il enseigne la littérature à l’université. Il est au micro de Pierre Philippe Cadert.

Un entretien à réécouter ici

Radio Nova

"Les livres de David Chariandy intègrent introspection, recherche identitaire, constat des inégalités sociales et narration documentaire. Ses réflexions, touchantes et universelles, résonnent parfaitement avec l’actualité."

Une émission à réécouter ici

Magazine Amnesty

"Avec sagesse et tendresse, David Chariandy raconte son histoire en se souvenant de celles et ceux qui ont dû persévérer dans l’adversité pour ouvrir les portes de la diversité, apportant malgré tout un message d’espoir." Déo Negamiyimana

Libération

"Dans «Il est temps que je te dise», l’écrivain canadien raconte à sa fille l’histoire de ses ancêtres émigrés jusqu’aux vexations qu’il a subies dans sa propre enfance.

A Trinidad sévissait une hiérarchie des couleurs et une tension latente entre les descendants des engagés et ceux des esclaves affranchis. Les parents Chariandy ont fini par fuir leurs communautés respectives. Ils n’ont jamais rien raconté à leur fils. Celui-ci en a décidé autrement pour sa fille, afin d’en finir avec la honte d’être soi et les assignations de tout ordre. Il veut « transmettre, dans l’intimité d’une voix, d’un souffle et d’un langage choisi, un héritage de souffrance, de pouvoir et de détails éclairants qui honore le passé et révèle à son auditoire un futur vivable »."

Un article de Claire Devarrieux à lire en entier ici

Revue Alarmer

"[Là où] le texte de David Chariandy est le plus saisissant, c’est quand il dit, sans hargne, la performativité du racisme qui, à force d’insidieusement mettre à l’écart des individus, dans une multiplication de petits rien du quotidien, produit in fine une mise au ban plus durable. Lorsque lui et ses quelques amis noirs qui ont eu la chance et la possibilité d’aller à l’université se rencontrent, ils ne parlent pas de leurs propres expériences du racisme, mais racontent les vies de tous ceux « brillants, plus brillants qu’eux » qui n’avaient pas eu la possibilité de prendre le chemin des études supérieures. (…)

Dans ce texte, David Chariandy s’inscrit dans une filiation littéraire avec James Baldwin, auquel il se réfère comme à un maître, auteur d’une lettre à son neveu en 1962 et à Countee Cullen dont le poème « Incident » donne son titre à un chapitre de cet essai. Mais c’est avec modestie, sur un mode mineur, qu’il s’approprie et reprend ces deux lieux communs de la littérature sur le racisme que sont le roman de l’insulte et la lettre à un proche."

Un article de Lisa Vapné à lire en entier ici

Le Monde

"Voici brisé le mythe d’un Canada havre de tolérance. (…) Chariandy s’exprime avec la tendresse préoccupée d’un père et la rigueur d’un écrivain. Dans la continuité de James Baldwin, il invite sa fille à décider de son identité librement, et les Canadiens à considérer le racisme comme leur problème." Gladys Marivat

La Presse

"L’auteur canadien livre un témoignage très personnel, empreint de la tendresse et de la bienveillance d’un père, mais aussi un manifeste lucide, fort bien écrit, sur le racisme ordinaire et les humiliations subies par ceux dont la peau n’a pas la blancheur attendue dans un Canada soi-disant accueillant."

Un article de Valérie Simard à lire en entier ici

Le Temps

"L’écrivain canadien signe « Il est temps que je te dise. Lettre à ma fille sur le racisme », un texte où l’on retrouve son approche très fine de sujets brûlants. Un livre plein d’énergie et d’espoir (…) où l’on retrouve sa voix, caractéristique, celle que l’on entend aussi dans ses romans: une façon de parler de l’intime, pudique, qui ne met pas à nu mais qui au contraire habille. David Chariandy rend lisible les parcours d’exils, les passés vécus en esclavage, les familles éclatées par les discriminations."

Un entretien de David Chariandy par Lisbeth Koutchoumoff à lire e entier ici

La Liberté

"Le style impeccable du Canadien, qui s’adresse ici à un enfant, à son enfant, parle forcément aux tripes. Il nous rappelle surtout que les gens sont là pour briser les barrières, aussi mentales, pour exploser les clichés. Sa fille, qu’il décrit comme une personne forte et intelligente, semble toute destinée à cette tâche." Tamara Bongard

L'Humanité Dimanche

"Manifeste antiraciste et cri d’amour, L’écrivain canadien David Chariandy puise son inspiration au sein de la diaspora caribéenne. Il reconstitue ici le parcours de sa famille, fait de migration et de lutte. Une geste de transmission en même temps qu’une magnifique ode à la liberté adressée à sa fille. (…) Un livre limpide et courageux." Sophie Joubert

La Libre Belgique

"[David Chariandy] ne craint pas de creuser au plus profond le sens de l’esclavage, de montrer le chemin parcouru grâce à « l’héroïsme des Noirs eux-mêmes, grâce aux révoltes et aux revendications, grâce aux stratégies quotidiennes de prudence et de créativité ». Il interroge la signification la plus juste à donner à l’histoire de ses origines, invite ses enfants à porter un autre regard sur ce qu’ils croient être des évidences, les incite à déterminer eux-mêmes leur identité (…). Il trace une voie qui jamais ne stigmatise, allant toujours à la rencontre de l’autre dans ses multiples facettes." Geneviève Simon

En lisant, en écrivant

"La lettre pudique et aimante de [David Chariandy] dit toute sa gratitude envers ceux qui ont permis à sa fille d’être et de devenir librement celle qu’elle est."
 
Une chronique de Flore Delain à lire en entier ici

Le Soir

"[Une] Lettre belle, digne et puissante. (…)
[David Chariandy] s’adresse à sa fille de 13 ans dans Il est temps que je te dise – Lettre à ma fille sur le racisme. Le ton est celui de l’amour et de la tendresse portés à son enfant, et ce n’en est pas moins puissant. Et ce n’est pas explicitement l’histoire de la ségrégation au Canada, mais plutôt son histoire personnelle et celle de ses parents qu’il explore pour montrer à sa fille que les difficultés n’empêchent jamais la dignité."
Un entretien de David Chariandy par Jean-Claude Vantroyen à lire en entier ici

RTS - Culture

"Un texte puissant et bouleversant.

Avec une infinie délicatesse, l'écrivain s'efforce de mettre des mots sur les émotions et les blessures qu'il avait gardées profondément enfouies jusque-là.

David Chariandy refait l'histoire, dresse une carte génétique du sang qui coule dans les veines de ses enfants. Il en résulte un message édifiant. Un livre d’amour : l'amour d'un père, d'un mari et d'un fils. Un livre de tolérance pour dire aussi la fierté et sa reconnaissance envers tous ceux qui, avant elle, ont permis à sa fille adorée d'être qui elle est aujourd'hui."

David Chariandy était l’invité de Marlène Métrailler sur les ondes de la RTS. Un sujet à lire/écouter ici

Zibeline

"David Chariandy livre avec ce texte une réflexion sur le métissage, sur l’espoir d’un vivre ensemble enrichissant et non sclérosant. Mais une sourde inquiétude semble l’habiter." Chris Bourgue

L'Express

"En 2017, il nous avait bluffés avec son deuxième roman, un récit enlevé qui nous révélait le Canada défavorisé des années 1990, celui du bitume, du mépris, du métissage et des banlieues. David Chariandy, 51 ans, professeur de littérature à l'université de Vancouver, revient aujourd'hui avec une lettre, superbe d'élégance et d'intelligence, adressée à sa fille, qui avait 13 ans, en 2017, lorsque Trump fut élu et lorsqu'un homme d'extrême droite tua six personnes dans une mosquée de Québec. (…)

D'où venez-vous ?", voilà une question qu'on continue de poser, inlassablement, à David Chariandy, né à Toronto, tandis qu'à l'école, son fils se fait traiter de nègre. Banal ? Oui, malheureusement. Ce qui l'est moins c'est le ton, tendre et pudique, de cette lettre empreinte de sagesse." Marianne Payot 

Livres Hebdo

"Manifeste engagé, édifiant, mais d’une douceur de ton et d’une humilité́ frappantes, Il est temps que je te dise, le troisième livre de David Chariandy publié par Zoé après deux romans (…) est une lettre que l’écrivain canadien aux origines afro-asiatiques adresse à sa fille de 13 ans, fruit d’un métissage complexe. (…)

En père admiratif, surpris de constater que son enfant n’a pas la même expérience du monde que lui au même âge, inquiet mais avant tout soucieux de ne pas écraser la jeune fille sous le poids de sa propre vision, l’encourageant à embrasser toutes ces identités - sa mère appartient à la grande bourgeoisie canadienne blanche - pour se libérer des assignations, David Chariandy déploie sans angélisme mais non sans confiance, son message humaniste : « S’il y a quoi que ce soit à apprendre de l’histoire de nos ancêtres, c’est qu’on doit se respecter et se protéger soi-même ; qu’on doit voir, véritablement voir, la vulnérabilité, la créativité, l’immuable beauté des autres. »" Véronique Rossignol  

Anecdotes

"Il est temps que je te dise est la lettre que l'auteur écrit à sa fille qu'il voit s'émanciper de plus en plus dans une société où la question de la couleur de peau est encore présente. Nous traitons de la question raciale, de l'immigration, de l'esclavage, mais aussi de la littérature et de l'amour d'un père pour sa fille. Le point de vue depuis la société canadienne, proche et en même temps différente des sociétés européennes, apporte un regard nouveau."

Maruani

"Ce récit très personnel de David Chariandy adressé à sa fille de treize ans est un journal de mémoire sur l'identité, la question éducative sur le racisme. D'origine afro-asiatique, il a souvent été question de rejets, de diffamations à caractère racistes, de blessures, de références à Toni Morrison, James Baldwin, d'auteurs qui ont défendu la culture, la race, la liberté, l'intégration de la communauté noire dans son universalité.Le texte est rempli d'espoirs, de lutte et de tendresse pour ce professeur de littérature de l'université de Fraser au Canada." Katia

Le Divan

"C'est d'une extrême pudeur, d'une intelligence et d'une sensibilité que j'avais déjà ressenti à la lecture de ses romans.
C'est une déclaration d'amour à sa fille et en creux, un des plus beaux textes que j'ai lu sur l'éducation." Valérie

Le Grenier

"Qu'il est beau ce texte de 111 pages, un pur bonheur de lecture, d'une tendresse et d'une intensité émouvantes à lire.
J'y ai reconnu des choses, j'ai aimé son ton, les ellipses, les identités du passé et du présent, l'amour, surtout, d'un père pour sa fille." Fanny

La Tête ailleurs

« Sans colère, avec lucidité, (David Chariandy) écrit une lettre d’une grande tendresse, où l’on ressent tout l’amour qu’il porte à sa famille. La précision et la profondeur de ses mots entrent en nous et résonnent longtemps. Nous avions aimé le précédent livre de David Chariandy, 33 tours, chez Zoé. Son nouveau texte est tout simplement magnifique ! » Sophie

Les Cocottes rousses

« C'est avec un style impeccable que David Chariandy ne craint pas de creuser au plus profond le sens de l’esclavage. Il en revisite l’histoire de ses origines et les chemins parcourus. Il reconstitue le parcours de sa famille, fait de migrations et de luttes permanentes. Avec intelligence et délicatesse, l'écrivain s'adresse à sa fille aînée de 13 ans en interrogeant avec justesse la signification du racisme ordinaire. Il ose mettre des mots justes sur les émotions qui l'ont tatoué à vie, depuis son plus jeune âge, blessures à jamais indélébiles et profondément enfouies jusque-là. Il en résulte un manifeste antiraciste limpide et édifiant. Cette lettre est un geste de transmission, une ode à la liberté, un magnifique cri d’amour adressé à sa fille. Ce livre est courageux et nécessaire. »

https://librairie-lescocottes.fr/coups-de-coeur/

La Fabrique

« Chariandy aborde le racisme ordinaire avec la sobriété qu'il déploie habituellement dans ses fictions pour faire un texte sobre et fort. À lire et à partager absolument. » Guillaume

Soucougnant (poche) (2020, Zoé poche)

Soucougnant (poche)

Après deux ans d’absence, un fils revient dans la maison de ses parents, en banlieue de Toronto. De la famille, il ne reste plus que sa mère, dont la mémoire s’érode. Une mémoire que le garçon va recueillir avec délicatesse : l’enfance à Trinidad, l’arrivée au Canada, sa solitude d’immigrée noire parmi les Blancs, l’histoire passionnée avec celui qui, caribéen comme elle, deviendra son mari.

Préface de Patrick Chamoiseau

Roman traduit de l'anglais (Canada) par Christine Raguet

33 tours (2018)

33 tours

À Scarborough, on boit des bières au bord de la Rouge, on rêve d’Aisha, la fille la plus intelligente du lycée, on se bat avec les gangs rivaux. Ou alors, on se retrouve chez Desirea’s, qui tient autant du salon de coiffure que du night club. Michael et Francis, deux frères adolescents, mènent dans cette banlieue de Toronto une existence rythmée par les descentes de flics et le racisme ambiant. Ils n’ont jamais connu leur père et leur mère, Ruth, travaille nuit et jour pour leur donner une chance. Mais les espoirs de ces trois-là volent en morceaux lorsqu’une fusillade éclate, un jour d’été 1991.

33 tours est une histoire à haute tension, un hommage à l’art métissé du hip hop et un hymne à l’amour fraternel.

« Le roman le plus bouleversant que j’aie lu cette année » Dina Nayeri, The Guardian

Traduit de l'anglais par Christine Raguet
Soucougnant

Un fils retourne auprès de sa mère après l’avoir abandonnée. Deux ans sans la voir, sans l’entendre, sans la soutenir, sans l’aider, sans l’aimer ni la supporter. Sa mère souffre de démence sénile précoce. Elle oublie les choses, le sens des mots, celui des habits, qui sont les gens. Elle fait des recettes étranges et saupoudre la cuisine entière de farine ou de sucre. Aux moments de lucidité, elle sourit pour s’excuser, s’indigne qu’on la prenne pour folle.

Par la voix du fils, elle se souvient : son enfance dans la Caraïbe à laquelle elle s’agrippe, son arrivée jeune adulte au Canada, sa solitude de Noire parmi les Blancs, son mari caribéen comme elle, mais originaire d’Asie, qui l’aimait passionément; mais elle mélange. Elle confond son fils bien aimé avec sa garde-malade ou le prend pour son mari et l’embrasse furieusement sur la bouche.

Témoin bouleversé et pudique, le fils prodigue raconte l’érosion d’une femme, sa mère, dans une écriture précise et intense qui donne à cette histoire aux contours rudes une humanité lumineuse.

Traduit de l'anglais par Christine Raguet

Il est temps que je te dise. Lettre à ma fille sur le racisme: extrait

L’occasion

 

Un jour, tu avais alors trois ans, nous sommes allés déjeuner en ville. Nous avons pris le bus en direction de l’ouest, pour nous rendre dans un de ces buffets d’épicerie servant le genre de nourriture qui n’inspirait à mes parents que du mépris. Des produits bio excessivement chers disposés avec parcimonie sur des plateaux en acier brossé, la vitre de protection placée suffisamment haut de sorte que toi, ma fille chérie, tu puisses plonger la tête en dessous pour évaluer, dubitative, le « riz complet » et les « carottes de plein champ ». Et à cet instant précis, je m’imaginais en père bien loin des griffes de l’histoire, accordant dès lors toute son attention à son enfant adorée en lui offrant du chou kale, du quinoa et un soda se targuant de contenir du « véritable sucre de canne ».

Mais nous sommes tous deux portés sur les desserts ; un soda n’y suffirait pas, nous avons donc partagé une grosse part de gâteau au chocolat. « C’est bon pour toi », as-tu ricané. « Le gâteau au chocolat, c’est très très bon pour toi. » Tu reculais tandis que j’essayais de t’essuyer la bouche, et tu riais de tous mes efforts. C’était un moment ordinaire. Et une soif ordinaire nous a saisis à cause de la puissante saveur sucrée du gâteau, alors je me suis levé pour aller au robinet le plus proche afin de nous rapporter un verre d’eau à chacun, croisant une femme en train de faire la même chose. Elle était bien habillée, léger tailleur d’été crème, discrètement maquillée, avec goût. Nous sommes pratiquement arrivés ensemble au robinet. Par politesse, j’ai marqué un temps d’arrêt et justement ce geste a semblé n’avoir d’autre effet que de l’irriter. Elle a joué des épaules pour passer devant moi et pendant qu’elle remplissait son verre d’eau, elle s’est retournée pour expliquer : « Je suis née ici. Je suis chez moi ici. »

Elle parlait fort. Elle voulait être entendue, susciter l’approbation peut-être, pourtant les gens qui déjeunaient autour de nous n’ont eu d’autre réaction que de se concentrer davantage sur leurs bols et leurs assiettes. Et toi, ma fille, assise si près, tu n’as pas compris, ou alors tu n’as même pas entendu. Tu étais encore dans cet instant de joie, tes oreilles pleines de ton propre rire, le glaçage noir collé entre les dents, voilà ce que j’ai conclu. J’ai patiemment attendu pour remplir nos verres. Je suis revenu vers toi avec précaution, sans faire tomber la moindre goutte. Je me suis assis. J’ai peut-être essayé de te rendre ton sourire. J’ai peut-être tenté, une fois de plus, de t’essuyer la bouche ou de te demander de boire une petite gorgée pour ne pas te déshydrater, la dernière peur idiote des parents dans mon genre. Je ne me souviens pas. Je me retrouve parfois dans cet état au cours d’une journée ordinaire. J’étais perdu dans mes pensées et paisible, même après avoir vu ta main s’agiter devant mes yeux. Ton visage désormais fâché et troublé. « Hé, qu’est-ce qu’il s’est passé ? » as-tu demandé.