parution avril 2024
ISBN 978-2-88907-291-0
nb de pages 160
format du livre 140x210 mm

où trouver ce livre?

Acheter en version eBook :
en Suisse / en France

Hwang Jungeun

Une bonne fille

Traduit du coréen par Jeong Eun Jin et Jacques Batilliot

résumé

Yi Sunil a soixante-douze ans, c’est la dernière fois qu’elle retourne dans les montagnes qui séparent les deux Corées. Accompagnée de sa fille, elle vient détruire la sépulture de son grand-père, enterré au milieu des bois, pour solder son passé.
Une bonne fille entremêle l’existence de Yi Sunil et des siens, sa fille aînée excellente vendeuse qui a permis à la famille de sortir d’une mauvaise passe financière, la cadette écrivaine qui en voyage à New York rencontre une cousine installée aux États-Unis, le benjamin parti chercher une vie meilleure en Nouvelle- Zélande.
Avec une grâce éthérée, Hwang Jungeun brosse le portrait des membres de cette famille, chacun avec sa vie ordinaire, ses problèmes et ses secrets, révélant en filigrane la fracture indélébile entre les deux Corées.

biographie

Depuis une vingtaine d’années, le paysage littéraire sud-coréen connaît un profond renouveau. La grande tradition réaliste, historique ou politique, laisse la place aux littératures de genre et à une nouvelle génération de jeunes auteurs prometteurs. Hwang Jungeun est de ceux-là.

Née en 1976 à Séoul, elle a fait son entrée en littérature en 2005, et a depuis raflé la plupart des grands prix coréens pour ses nouvelles et ses romans, plébiscités tant par le grand public que par la critique. En 2014, Hwang refuse le prix décerné par une revue littéraire qui avait publié des textes de Park Geun-hye, la présidente controversée de la Corée du Sud, destituée et emprisonnée depuis pour corruption.

Le Monde

"Partant de ce dernier hommage au patriarche, la narration déroule l’histoire de la famille de Yi Sunil en quatre parties parfaitement scandées, à la délicatesse émouvante. Comme souvent chez Hwang Jungeun, le réalisme se mâtine d’un imaginaire de conte. Le désespoir se dilue dans un sourire. Dans Une bonne fille, on célèbre les fils invisibles qui nous font faire famille parfois malgré nous - autant que le désir irrépressible de s’affranchir de tout passé, de lui tourner le dos et de se réinventer. La force de Hwang Jungeun est de faire de ce récit, classique et universel, une insaisissable histoire de fantômes (et d’écrivaine, car Han Sejin écrit). On s’y délecte de l’intelligence et de la subtilité de certaines pages autant qu'on s'y laisse porter par la mélodie douce-amère. Avec ce texte, Hwang Jungeun affirme une fois de plus sa tonalité, si singulière au sein de la littérature coréenne contemporaine." Nils C. Ahl

Le Figaro

"À 72 ans, la vieille mère a décidé de se rendre dans la forêt montagneuse bordant la frontière nord-coréenne où se trouve la sépulture de son grand-père pour une dernière offrande et pour faire détruire ses restes. Elle sait qu’aucun de ses trois enfants ne s’en occupera après sa mort, alors autant tout effacer. (…) Les mots, là encore sont quasi absents. Les images, nébuleuses. L’auteur décrit les gestes, les regards. « Voir cette sépulture, c’était comme rendre visite à son passé. » Alors, le présent se télescope avec les jours, les mois précédents. On s’invite à la table de la famille, on partage des plats de pâtes, on découvre des choix de vie différents. (…)
En début d’ouvrage, il est précisé à l'adresse du lecteur que ce livre est un « hommage à des générations de femmes coréennes qui se sont souvent sacrifiées pour leurs proches dans un contexte national marqué par la guerre et ses séquelles » et une incitation lancée aux jeunes générations à « interroger les normes imposées par la société et à s’affirmer en tant qu’individus ».
S’il est souvent tard dans ce court roman qui se déroule au crépuscule, il n’est jamais trop tard, semble dire Hwang Jungeun pour changer le cours de son existence." Alice Develey

Le Courrier

"Comment être une bonne fille en Corée aujourd’hui ? Hwang Jungeun pose avec délicatesse et ténacité la question de la mémoire, individuelle et collective.
(…)
Chacun des quatre chapitres nous rapproche un peu plus de la vérité des membres de cette famille emblématique de la modernité coréenne, de leurs conflits de loyauté, de leur histoire, de leurs espoirs et de leurs émotions soigneusement tenues sous le boisseau. Jusqu’à dévoiler une vision d’ensemble qui ne trouvera à s’exprimer qu’à distance, à Brooklyn où se retrouve la cadette. Celle qui se dresse contre la tradition, tout en cherchant à recomposer le puzzle du passé." Isabelle Carceles  

Asiexpo

"Ces 4 textes polyphoniques lus ensemble parviennent à nous montrer une multitude de facettes des conséquences de cette guerre sur 4 générations de cette famille. Les différents points de vue pointent aussi les difficultés de communication entre ces générations. Les anciens restent attachés aux traditions tandis que les plus jeunes cherchent leur propre voie.

Le style est d’une beauté épurée et d’une grâce éthérée. Il permet de rendre lisible ce devoir de mémoire tant du côté coréen qu’américain. L’autrice admet d’ailleurs bien volontiers qu’elle ne peut en faire le tour à travers la remarque d’une femme, lors de l’intervention d’Han Sejin au Book Festival de New York. Pourquoi ne pas avoir parlé des adoptés coréens ?

Han Sejin, narratrice du dernier texte, est le personnage qui incarne à merveille ce devoir de mémoire dont sa mère l’a faite détentrice, un pont entre passé et avenir. Hwang Jungeun emprunte d’ailleurs le titre de cette dernière partie au film de Mia Hansen Love traduit par ce qui s’approche, résolument tourné vers l’avenir donc."

Une chronique de Camille Douzelet à lire ici

Je vais ainsi

Il y a So Ra, la grande sœur douce et rêveuse ; Na Na la cadette, déterminée et libre ; et Na Ki, le frère de cœur, qui cache un lourd secret derrière son sourire fêlé. À tour de rôle, ils prennent la parole et racontent : leur rencontre et l’enfance dans l’appartement commun, un demi-sous-sol divisé en deux par une cloison ; le séjour de Na Ki au Japon d’où il est revenu changé ; la grossesse de Na Na, enceinte d’un homme qui n’est pas encore son mari. À travers le récit croisé de ces voix qui reflètent chacune un imaginaire propre, événements et situations se déploient dans toutes leurs nuances.

Lumineuse ou mélancolique, d’une fraîcheur candide ou d’une sourde violence, l’écriture de Hwang Jungeun saisit la trajectoire de ces personnages tellement attachants, capte leurs contradictions et leurs espoirs.

Roman traduit du coréen par Jeong Eun Jin et Jacques Batilliot

Une bonne fille: extrait

Le grand-père était décédé en 1978 à Jigyeong-ri. Trois ou quatre villageois avaient transporté le corps jusqu’au flanc de la montagne pour l’enterrer. Han Sejin ne l’avait jamais rencontré, mais elle connaissait son visage. Un cliché encadré était accroché au mur parmi d’autres photos de famille. Un visage barbu photographié de face, surmonté d’un calot qui cachait mal des cheveux blancs et raides. Rien qu’à regarder ses traits et son expression, on devinait qu’il était de petite taille. Le front, les sourcils, les yeux et le nez arrondi ressemblaient à ceux de Yi Sunil. Han Sejin avait l’impression de l’avoir rencontré plusieurs fois, sans doute parce qu’il lui était arrivé de fixer ce portrait pensivement ou machinalement. Chaque année, elle se rendait sur sa tombe avec le sentiment d’aller lui dire un simple bonjour. Avant que Han Sejin ne commence à l’accompagner, Yi Sunil faisait le trajet seule en changeant plusieurs fois d’autocar. Personne ne venait avec elle: son mari Han Chungon et leur aînée Han Yongjin refusaient, et Han Mansu, seul garçon et benjamin de la fratrie, d’abord trop jeune pour qu’on l’emmène, ne connaissait pas la route.
Pour Han Yongjin et Han Chungon, il était incompréhensible qu’elle veuille à tout prix aller chaque année dans cet endroit: une ravine asséchée où il fallait avancer en coupant la végétation à l’aide d’une faucille, des buissons entre lesquels se glissaient des serpents, de la mousse et des arbres rabougris par manque d’ensoleillement, des tumulus ratatinés, des traces de sangliers, le silence des châtaigniers et des pins entourant la tombe. Han Sejin comprenait la raison pour laquelle Yi Sunil grimpait en se frayant un chemin malgré les difficultés. Pour sa mère, aller voir cette sépulture, c’était comme rendre visite à son passé.